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A la Chorba pour tous, avec les clochards
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A l’armée du salut, les exilés ont leur file
A intervalles réguliers, sans aucune précipitation, des exilés viennent vers Jean-Michel le saluer ou lui parler. Tous me serrent la main en me regardant bien droit dans les yeux. Ils sont très jeunes (souvent très beaux) et très souriants. Les échanges durent quatre/cinq minutes. Certains demandent à Jean-Michel des duvets parce qu’ils se préparent à passer la nuit dehors, d’autres viennent faire le point sur leur dossier de demande d’asile. Et oui !, même si les politiques passent leur temps à nous expliquer que nous ne pouvons rien faire pour ces réfugiés parce qu’ils ne rêvent que d’aller en Angleterre, il suffit de passer une demi-heure avec eux pour se rendre compte que c’est faux. LA PLUPART DE CES EXILES AIMERAIENT BIEN DEPOSER UN DOSSIER DE DEMANDE D’ASILE EN FRANCE !!! Jean-Michel me présente Ali, un Afghan de 19 ans qui parle anglais. Comme c’est finalement assez rare et qu’il a l’air tout à fait disposé à me parler (il a le regard vif de ceux qui savent d’un coup d’œil si la route à faire ensemble est bonne) je prends rendez-vous avec lui pour le lendemain 9h00 devant le centre d’accueil de jour qui fait office de café le matin pour les exilés afghans de la Gare de l’Est. Il me montre aussi de loin un cinéaste venu de Kaboul pour un festival en Italie et qui a finalement décidé de prendre la route. Il a une écharpe violette, une fine veste en toile beige et un petit sac à dos. Je me rapproche de lui pour le saluer. Il est très doux, l’air presque gamin. Il a moins de 30 ans et des yeux grands ouverts sur le monde comme s’il était lui-même encore étonné d’être arrivé là. Dommage, il ne parle presque pas anglais. Il me donne quand même son email. Et me promet de trouver quelqu’un pour la traduction.
Les bénévoles, engoncés dans des vestes jaunes fluo (celles qui sont obligatoires quand il y a un accident de la route !) du haut de la camionnette distribuent à la chaîne des petits sacs de provisions. En bas, du côté droit, un molosse, dont le brassard rappelle utilement son statut de « bénévole » demande aux gens à rester en file indienne derrière la balustrade et surtout de ne pas traîner. J’imagine qu’il est là aussi pour s’assurer que les personnes ne passent pas plusieurs fois récupérer le petit sac, composé d’un bout de pain, d’une petite bouteille d’eau, d’une boîte de salade au thon et d’un yaourt au chocolat. Au bout de cinq minutes, c’est à la file de l’autre côté de la camionnette de passer. Et pareil, là encore il faut vite, prendre son sac et déguerpir. Au bout d’un moment, je remarque que de ce côté-là, il n’y a que des exilés et que le « bénévole » s’applique à les mettre dans le rang ou à les en faire sortir de façon, disons, musclé.
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Le Paris des pauvres de chez pauvres
Un dimanche soir de décembre, Jean-Michel Centres du collectif de soutien aux exilés du 10e me donne rendez-vous à la « soupe populaire » sous le métro aérien à Barbès, à côté de l’hôpital Lariboisière. A 18h30, il fait nuit, ça caille, et Paris est moche. En sortant du métro, comme je ne sais pas exactement où se trouve la soupe de l’Armée du Salut, je décide de suivre deux types les épaules rentrées en dedans, tout juste couverts par des vestes légères, qui longent le boulevard du côté opposé aux commerces illuminées pour Noël. Là où les voitures ne laissent aux piétons qu’un trottoir étroit et laissent surtout en paix ceux qui veulent pisser à l’oeil. Je les suis de loin, sûre d’arriver à bon port, quelques vielles boîtes de conserves rouillées sur la chaussée me confirment que l’on se rapproche. Une vieille maghrébine tirant un caddie presse le pas, elle salue deux types d’une trentaine d’années. « C’est bon… ils sont là ? » Les deux types hochent la tête et lui répondent en arabe. J’avance vers la source lumineuse et au fur et à mesure je vois apparaître le Paris des pauvres de chez pauvres. Beaucoup plus de femmes que j’imaginais, quelques enfants, des gens de l’Est, et surtout beaucoup de Maghrébins (je ne sais pas si c’est le quartier qui fait ça ?) Les gens se saluent, j’en vois certains qui s’échangent des boîtes de conserve, l’ambiance est étrangement sereine. Je retrouve Jean-Michel. Je ne sais pas quel est son secret, mais il est vraiment étonnant ce type : toujours calme et posé. Rien n’a jamais l’air de l’excéder. Par contre, ses yeux sont d’une agilité de sioux, il ne loupe aucun mouvement. Il est justement là pour ça : il maraude tous les soirs pour rencontrer les exilés, répondre à leurs questions (il se débrouille en farsi, la langue parlée en Iran et aussi en Afghanistan) et voir si tout se passe bien pour eux. Sous le métro, l’éclairage est faible, comme pour amortir la cruauté de la réalité. Le camion de l’Armée du salut, avec son puissant néon à la lumière blanche a du coup un effet glaçant.
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