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Mon corps zappé (petit détour par zapi 3)

A la demande de Noël Mamère, député de Gironde, une visite à Zapi3, le centre d’attente aéroportuaire de Roissy a eu lieu le mardi 26 mai. Accompagné de Daniel Cohn-Bendit, tête de liste d’Ile de France d’Europe-écologie pour les européennes, et de Jean-Eric Malabre, le président de l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) et conduits par des responsables de la Police aux frontières, la visite « inopinée » a duré une heure trente. Le lieu est une vitrine de la zone d’attente, M. Mamère le sait et en sortant de la visite, il n’hésite pas de parler de ce qu’il n’a pas pu voir, les fameuses zones d’attente à Roissy, bien « moins propres » et où les abus sont fréquents. Dans son dernier rapport l’Anafé y dénonce « l’inhumanité », la brutalité policière, le non-accès au téléphone… Pour ceux qui atterrissent dans le centre, c’est l’accès aux droits qui est systématiquement bafoué. « Sous des prétextes administratifs, les immigrés ne peuvent jamais déposer leur demande dans les temps et obtenir l’asile » s’insurge le député de Gironde, un peu fourbu de la visite qui leur a tout de même permis de rencontrer quelques immigrés en attente.

Témoignage fictif de cette rencontre. 

 « J’ai fermé les yeux pour ne pas mourir de honte. Hier, vous étiez là devant moi, tout ouvert à mon désespoir et pourtant je n’ai pas pu, ma force s’est dérobée. Très doucement, un monsieur qui parlait l’espagnol avec un accent vibrouillonant, s’est assis sur ses talons à côté de moi pour m’expliquer la situation. Il m’a dit que vous étiez député de l’Europe et de la France et que vous étiez là pour écouter mon histoire de cubain enfermé à Zapi 3… Mais qu’est-ce que je peux bien vous dire ? Je ne parle ni le français, ni l’européen, et nous sommes coincés dans cette minuscule pièce aux fenêtres scellées. J’ai froid, mon corps me lâche de n’avoir dormi que deux heures d’affilées depuis 18 jours.

 Dix minutes pour vous dire quoi ? et puis comment, à moi-même mon histoire se dérobe, elle n’a ni queue ni tête. Je suis fait comme un rat, demain je vais être expulsé et la femme qui m’attend en Espagne dans un centre de rétention mettra bientôt  au monde notre enfant pour lui montrer une cellule blanche et vide comme un cercueil de luxe… Comment vous le dire, à vous que je ne connais pas. Je ne sais pas ce que vous allez faire de mon histoire, et puis je n’ai déjà plus que cinq minutes pour vous la dire.

 J’ai levé les yeux, juste le temps de voir que le député assis à ma gauche avait envie de pleurer, peut-être pour moi, sûrement, mais aussi pour autre chose que je ne perçois pas. Quand il a vu ma petite croix en bois autour de mon cou, j’ai senti que quelque chose perdait pied en lui. Oui, il ne me reste plus que ça. Pas grand-chose camarade, n’est-ce pas… Et puis, il y avait cet autre monsieur, un adolescent de 60 ans dont le regard m’a gentiment dit qu’il ne voyait pas du tout d’issue à ma situation. Il regardait par la fenêtre, ou peut-être même juste la fenêtre, comme s’il essayait de la défoncer. Puis ses yeux se sont éteints, non, ce n’est pas possible l’ami… Il s’est comme ressaisi puis a demandé au traducteur si j’avais des motifs politiques à ma venue en France. Des motifs politiques, oui c’est ça… politiques. Faudrait que quelqu’un m’explique ce que ça veut dire. Hélas pour moi, je n’ai pas essayé de tuer Fidel Castro, j’aurais peut-être dû y penser plus sérieusement. Sûr qu’aujourd’hui ça m’aurait bien aidé.

Mais j’étais trop fatigué, j’ai sûrement fait une connerie en refusant de manger la saloperie de repas de survie, dans le petit sac en plastique, que les policiers m’ont tendu tout à l’heure du bout des doigts en sortant de la salle d’audience, où le juge n’est jamais venu alors qu’on l’attendait depuis 6H30… J’aurais dû, parce qu’au moment de jouer ma seule chance d’être sauvé par vous, je suis mort de fatigue, je n’ai rien à vous dire, ni de mes rêves de faire la peau à Fidel, ni de mon histoire. De mes parents, j’ai seulement pu vous dire qu’ils sont morts depuis huit ans – pourquoi, comment et par qui, il  me faudrait un peu de temps pour vous l’expliquer, la vie est d’une telle cruauté avec les pauvres métèques – et que mon errance depuis m’a emmené en Espagne puis au Maroc. Mais je vois bien que mon histoire est trop simple ; mon père n’était qu’un paysan, sous-trésorier de la coopérative agricole de San Lucha, ou trop complexe ; il a été assassiné après avoir été accusé d’avoir détourné l’argent de la coopérative agricole alors que le trésorier, un cousin à lui, venait de s’enfuir en Amérique. Et que je n’ai plus que 3 minutes pour vous tracer les lignes claires de mon naufrage, de ma déchéance qui m’a fait atterrir tel un ovni à Zapi 3 avec de faux papiers, trop grossiers, que j’avais pourtant acheté une fortune à Casablanca. Le monsieur Europe aux yeux bleus et regard vagabond n’en peut plus de fatigue. J’ai juste eu le temps d’apercevoir ces paupières s’alourdir. Une jeune femme debout à côté, immobile, comme incrustée dans le mur, l’observe partir. Ça a l’air de lui faire de la peine.

Il manque d’air dans cette pièce, c’est un vrai étouffoir. La dizaine de policiers avec leur responsable de la police des frontières : une femme étrangement maquillée, truffée de bijoux avec une coupe d’hôtesse de l’air en pleine ascension et au regard bleu acier que des paupières mauves n’arrivent pas à adoucir, attendent derrière la porte. Quelqu’un vient justement de taper trois petits coups. Ça y est, notre petite causerie doit s’achever.

Quelles sont mes chances de sortir de là, demande le député français en refermant la porte aux policiers d’un geste gentil et autoritaire, mais qui ne nous fera gagner qu’une minute supplémentaire. Aucune, nada, oualou. La réponse du traducteur, qui je crois travaille pour l’association qui nous accompagne dans notre galère, est incisive. Demain, c’est soit l’expulsion à Cuba, ou mes cousins à qui j’ai volé 3000 dollars pour déguerpir vont me faire la peau, soit la prison, soit le centre de rétention. Mon corps ne m’appartient plus. Une mort-vie. Dans tous les cas de figure, je servirais de matière première pour faire tourner les avions, la police ou l’administration pénitentiaire. Je vous l’ai dit, pour mourir les yeux ouverts, il faut bien commencer par mourir. « 

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Prostitution des mineurs : les flics la roumènent pas

Des mineurs roumains se prostituent à Paris en pleine journée. Sans que les pouvoirs publics ne réagissent beaucoup. Article publié dans Bakchich.info, suivi d’un débat avec Myriam El Khomri, adjointe au maire de Paris (protection de l’enfance).

Des cheveux grisonnants aux tempes qu’une teinture marron délavée n’est pas parvenue à couvrir, une casquette à longue visière, des lunettes de soleil fumées qui laissent entrevoir les yeux, un long pardessus couleur crème et des baskets blanches. Sans se cacher, l’homme d’une soixantaine d’années au parfait look de prédateur marche droit devant lui et se dirige vers deux jeunes roumains qui stationnent au soleil depuis un moment sur le parvis de la Gare du Nord. L’échange dure seulement quelques minutes et voilà qu’il sort un billet que le plus jeune s’empresse de fourrer dans sa poche.

Dix minutes ne se sont pas écoulées et c’est au tour d’un trentenaire, visage blafard et parka en cuir, d’avancer d’un pas rapide sur le parvis, les yeux rivés au sol. Il s’arrête devant deux autres jeunes roumains qui se grillent une cigarette. Ils doivent se connaître car, après deux courtes phrases, les jeunes le suivent au pas de course. La Gare du Nord, en plein après-midi, est ainsi devenue depuis plusieurs mois un « lieu » pour qui veut « se payer du bon temps » avec des jeunes Rroms, sans que personne ne vienne perturber ce business.

Pour juger de la situation, Olivier Peyroux, le directeur adjoint de « Hors la rue », une association qui fait du repérage de mineurs isolés roumains dans les rues de Paris et qui les aide ensuite à accéder à leurs droits, propose d’aller au premier étage du Quick, dont les fenêtres donnent sur le parvis. Sous nos yeux, deux passes viennent de se négocier en moins de quinze minutes. Et quand les flics de la circulation passent, l’attroupement se disperse, puis se reforme quelques minutes après, en toute tranquillité.

La passe passe

« Cette prostitution des jeunes mineurs roumains a commencé au mois de juin dernier. On en a repéré une cinquantaine mais il n’y en a jamais plus de 20 en même temps à la gare. Pour l’instant, malgré nos signalements à la police, personne n’intervient. Alors que ces jeunes ont entre 12 et 18 ans », explique Olivier Peyroux. La pédophilie se porte bien dans la capitale. La preuve ? Même les clients réguliers repérés par les associations ne craignent pas la répression.

« La police intervient par contre pour réprimer les mineurs roumains qui s’exercent au vol ou à la mendicité, mais laisse faire la prostitution. C’est très étonnant ! », remarque le responsable de « Hors la Rue ». Vol, mendicité, prostitution… La vie des Roumains en France se limite-t-elle à ces horreurs ? « Non, surtout pas, attention à la stigmatisation de l’ensemble des migrants roumains. En Europe, ils représentent moins de 5% de l’ensemble », insiste Olivier Peyroux dans un document d’analyse, où il explique comment la libéralisation de la Roumanie en 2002 a rendu des populations (dont les Rroms) très vulnérables à l’exploitation.

Le piège le plus efficace pour contraindre les familles à accepter la prostitution de leurs enfants s’appelle « la Kamata ». Un système de dettes qui fonctionne sur des taux d’intérêt exponentiels (la dette double tous les mois) et sur le choix de familles mal informées et voulant migrer. Très rapidement, celles-ci se retrouvent dans l’incapacité de rembourser. En fait, dès qu’elles réalisent que l’eldorado en Italie ou en France n’existe pas. « Quand les familles réalisent que la prostitution est plus rentable et beaucoup moins risquée que les autres activités, elles décident de fermer les yeux sur ce que font leurs enfants pour ramener de l’argent ».

Aujourd’hui toutes les autorités détournent le regard et les jeunes roumains continuent de vendre leurs corps pour une poignée d’euros et parfois seulement pour dormir au chaud.

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2e épisode de la BD-reportage sur télérama.fr

« Suite du “BD reportage” que nous vous avions proposé il y a quelques semaines. Où l’on retrouve notre blogueuse Sabrina Kassa en grande discussion avec les réfugiés afghans du jardin Villemin, à Paris. Rencontre autour du terrain de basket, à deux pas du kiosque à musique où ils dorment la nuit. Au fait, la Mairie de Paris avait-elle vraiment besoin de couper l’eau à la seule borne du square ?  »

Thierry Leclere

Dessions : Pierrick Allain

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Il fait beau mais Mohamed broie du noir

Insouciance et légèreté…, le grand soleil de samedi après-midi sur la capitale est pourtant une belle invitation à flaner, la tête vide, le long du Canal.  Le parc Villemin est plein, avec comme d’habitude, plusieurs groupes d’exilés au milieu des Parisiens et des enfants.

A quelques pas de là, au centre d’accueil de jour, une réunion d’information pour les exilés organisée par le collectif de soutien du 10e, commence. Il y a plusieurs bénévoles, dont un Afghan d’une cinquantaine d’années, pour la traduction, et une ancienne salariée de France terre d’asile pour expliquer les procédures et lois régissant l’asile en Europe.

Du thé, des biscuits, des fruits, la table est conviviale et la lumière est belle. Mais sur le visage de la petite trentaine d’exilés, dont deux mineurs de 16 et 17 ans, nulle trace de détente. Mohamed, le cinéaste, est même complètement déprimé. Il passe son temps à dormir, « il faut que je récupère, ça fait des années que je cours », m’explique-t-il avec un petit sourire triste. Il y a quelques semaines, il avait pourtant commencé à tourner un film, mais le projet a capoté et il n’a pas le courage pour l’instant de le relancer. Le scénario est pourtant assez coquace. Elisabeth, la réalisatrice, qui voulait lui donner un coup de main, m’a résumée l’intrigue. « Le film racontait l’histoire de deux gars, l’un se faisant passer pour un Américain, l’autre pour un Afghan, qui intérrogent les Français dans la rue pour comprendre pourquoi ils se réjouissent de la victoire d’Obama, alors que celui-ci a promis plus de soldats en Afghanistan, que sur les 4 bombes lancées par les Américains, 2 tombent sur l’Afghanistan, etc. C’est seulement à la fin du film que l’on aurait su que ces deux personnages sont des réfugiés et qu’ils vivent dans le square ». Malheureusement, le type avec qui Mohamed a commencé à tourner a disparu dans la nature et du même coup, sa motivation de faire aboutir son projet.

olivier Jobard/Sipa/MDM

olivier Jobard/Sipa/MDM

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